Les codes diplomatiques “sont en train de voler en éclats”, a expliqué lundi 26 août sur franceinfo Philippe Moreau-Chevrolet, professeur en communication politique à Sciences-Po, après les propos irrespectueux du président brésilien sur Brigitte Macron, alors que se tient le sommet du G7. Plus généralement, Philippe Moreau-Chevrolet estime qu’on est “en train de vivre une vraie révolution” dans les usages diplomatiques, avec des dirigeants qui passent d’un langage “très feutré à un langage de rue”. D’après lui, “le problème principal, c’est qu’on risque d’aller vers une escalade”.franceinfo : Les codes diplomatiques sont-ils en train de changer ?Philippe Moreau-Chevrolet : Ils sont en train de voler en éclats. On a des chefs d’État qui s’insultent sur les réseaux sociaux. Le président brésilien a ironisé sur un commentaire à propos de la Première dame. Ce n’est pas lui qui l’a écrit mais il l’a commenté. Ce n’est pas aussi agressif qu’on pourrait le penser mais cela reste extraordinaire par rapport aux usages diplomatiques. On est en train de vivre une vraie révolution. On a des chefs d’État qui sont capables de changer de pied pendant une négociation, de dire blanc pendant la réunion et de sortir en disant noir. C’est un grand classique de Donald Trump. Il terrorise ses adversaires. C’est une manière de maintenir une tension avec les gens avec qui il négocie.La diplomatie à mots couverts, est-ce que c’est terminé ?Il y a toujours des choses qui se passent secrètement mais les chefs d’État, pour obtenir des résultats, n’hésitent plus à menacer ouvertement, d’une manière extrêmement claire, leurs interlocuteurs. C’est la méthode Trump. Le président américain menace les Chinois. Il leur parle comme on parlerait dans la rue. Ce passage sans transition du langage diplomatique, très feutré, à un langage de rue, s’est fait en quelques années par les réseaux sociaux, et s’est imposé par des gens comme Donald Trump. Ensuite, on a des personnes comme Emmanuel Macron, plus policées, qui vont essayer de faire du G7 un happening permanent pour garder le contrôle.Est-ce que ce sont les caractères des dirigeants ou les modes de communication qui amènent ce nouveau langage ?C’est la rencontre d’un caractère, Donald Trump, et d’une époque où les citoyens ne font plus vraiment confiance aux politiques. Plus le langage est cru et moins il est châtié, plus la confiance se crée. Il ne faut pas oublier que Donald Trump, quand il gère les relations internationales, s’adresse essentiellement à sa base électorale. Il est en campagne. Quand il attaque tel ou tel président, vertement et fortement, c’est pour plaire aussi à ses électeurs. Cela veut dire que des dirigeants, plus posés, plus sages, comme Trudeau ou Macron, doivent progressivement changer mais il faut le faire avec prudence.Le problème principal c’est qu’on risque d’aller vers une escalade. Des dirigeants, comme le dirigeant chinois, ont tendance à encaisser, à laisser passer l’orage, et finalement à négocier dans un deuxième temps, à retourner à des modes plus discrets de diplomatie. Ce sont des façons de gérer différemment. C’est selon si on a le temps, comme c’est le cas des dirigeants chinois qui n’ont pas besoin d’être réélus, ou si on a besoin d’avoir l’approbation du public plus rapidement, comme Macron ou Trudeau.