Elle devait terminer sa période d’assignation à résidence le 27 mai. La junte birmane en a décidé autrement. Aung San Suu Kyi a été condamnée à 18 mois de détention supplémentaire pour avoir hébergé pendant deux jours un Américain chez elle.
On connaît donc enfin le verdict du procès d’Aung San Suu Kyi. Le tribunal birman a condamné la Prix Nobel de la Paix à 3 ans de prison, aussitôt commués à 18 mois de détention par le chef de la junte militaire au pouvoir.
Le procès, qui devait initialement être bouclé en une semaine, a duré plus de trois mois. Les juges, étaient visiblement mal à l’aise suite aux déclarations de plusieurs personnalités en vue, en faveur de l’opposante birmane. Malgré les nombreux reports et procédures d’appel, celle que l’on appelle la «dame de Rangoun», figure de la non violence, est ainsi cloîtrée de force pour encore 18 mois.A cause de son activité politique d’opposition, elle est en liberté « surveillée » depuis 1989 -avec une interruption entre 1995 et 2002.
Elle était poursuivie depuis mai pour avoir accueilli chez elle John Yettaw, un vétéran de la guerre du Vietnam, qui a traversé à la nage le lac Inya, et est entré dans la maison d’Aung San Suu Kyi, ce qui constituait une violation des règles d’assignation à résidence. Il a déclaré qu’il était «envoyé par Dieu» et qu’il voulait la prévenir qu’elle allait être assassinée par des «terroristes». Il a pour sa part été condamné à 7 ans de prison et à deux ans de travaux forcés.
Au-delà de ce procès qui atterre les défenseurs des Droits de l’homme et la communauté internationale dans son ensemble, il y a le contexte politique en Birmanie qui a poussé les chefs de la junte militaire à réduire au silence Aung San Suu Kyi. Ils veulent atteindre l’échéance électorale de 2010 sans que cette opposante historique vienne entraver leur reconduction.
La fille du négociateur de l’indépendance birmane, le général Aung San, a dédié toute sa vie à la lutte pacifique pour la démocratie en Birmanie. Elle a même préféré être séparée de son mari, qu’elle n’a pas revu avant sa mort en 1999, et de ses enfants, dont la vie était en danger en Birmanie, jugeant que l’intérêt de son peuple primait sur sa propre vie. Elle est d’ailleurs fortement diminuée par les quatorze ans qu’elle a passés enfermée. Elle refuse de s’alimenter, et à 63 ans, est de plus en plus faible.
«Nous savons désormais qu’Aung San Suu Kyi risque d’être condamnée à nouveau à une peine d’emprisonnement qui, compte tenu de son état de santé, menace sa vie même», avait d’ailleurs déclaré Carla Bruni-Sarkozy dans une «lettre au gouvernement birman». Quant à Barack Obama, il a exhorté la junte birmane à abandonner les charges contre l’opposante au régime. Sans succès…
L’Union européenne a aujourd’hui immédiatement condamné le « verdict rendu contre Aung San Suu Kyi et le procès injustifié dont elle a fait l’objet ». Quant à Nicolas Sarkozy, il a pour sa part demandé de nouvelles sanctions contre la Birmanie. Tandis qu’Amnesty International trouve « scandaleuse » cette nouvelle mise en détention.
Mais les voix de la démocratie mondiale n’ont jusqu’ici pas fait plier la junte…
C.C.
Mardi 11 août 2009